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Etudiante en Information-Communication à l'Université Paris VIII

mercredi 25 décembre 2013

"La belle vie" : l'épopée légère d'une liberté particulière

Jean Denizot nous livre ici son tout premier long métrage après 2 ans d'écriture et de réalisation. La belle vie : adaptation très personnelle de la célèbre et médiatisée Affaire Fortin survenue en 1998. Longues errances romancées, premiers amours et musiques douces : histoire légère pour un lourd fait divers.
 
Xavier Fortin, tout juste divorcé de sa femme, décide de « kidnapper » ses deux fils (dans le film : Sylvain et Pierre), alors sous la garde de cette dernière. Les deux frères ne sont pas forcés de partir, ils sont tout à fait consentants. Parler alors d'un kidnapping n'est pas mince affaire lorsque celui-ci désigne en fait la conséquence, certes, quelque peu excessive d'un amour fusionnel entre un père et ses fils. Ils erreront tous les trois à travers l'Hexagone traînant de maisons déshéritées en tentes à peine plantées pendant plus de 10 ans. Alors âgés de 6 et 8 ans au moment des faits, les deux frères grandiront à l'état sauvage, sans autre éducation que celle inculquée par leur père. Ils n'iront pas à l'école et commenceront à travailler très tôt : tantôt vendeurs de fromages sur les marchés tantôt pêcheurs le long des rivières, ils ne dévoileront jamais leur réelle identité à leur voisinage sans cesse provisoire. Leur liberté ne sera qu'apparente ; La France : une prison immense à ciel ouvert ; L'horizon : d'infinies frontières. Excédés par leur marginalité, les deux jeunes ayant grandi, voudront s'émanciper et quitter leur père. L’aîné sera le premier, le cadet rencontrera lors d'une situation cocasse au bord de la Loire, une jeune fille à la casquette révolutionnaire brodée d'une étoile rouge : Gilda, qui révolutionnera tout autant sa vie. L'histoire commence à leur adolescence, elle finira brutalement lors d'une décisive rencontre...
 
 
Des paysages verdoyants à perte de vue, faisant étrangement penser aux peintures romantiques d'un certain Caspar David Friedrich, des situations visuelles à l'esprit frais et bucolique à la manière d'Une partie de campagne devenue classique ; En somme, une esthétique naturelle, voire naturaliste qui nous révèle de la part du novice réalisateur un réel travail et une grande sensibilité. En passant par les hautes montagnes des Pyrénées Atlantiques pour atterrir le long du plus large fleuve de France, celui-ci nous fait voyager et rêver à travers l'immensité et la variété du territoire français.
 
 
C'est sans doute cette qualité d'image peut-être « trop » imposante qui finira par empiéter sur la part créatrice du film. Déjà basé sur un fait réel d'une intensité authentique, La belle vie est dénué de dialogues recherchés et représentatifs pouvant révéler les personnalités de chacun des personnages. Peu naturels et parfois ancrés au discours théâtral de leur formation initiale (notamment Nicolas Bouchaud jouant le père), nous pouvons croire que leur part d'improvisation et d'intuition quant à leur jeu est quasiment nulle. De plus, Jean Denizot avoue lui même avoir choisi le nom de ses personnages par pur hasard ou par simple goût. Est-ce encore une preuve d'un certain problème d'investissement ou simplement un choix qui n'aurait, selon lui, aucune conséquence sur l'impact du film ? Oser supposer que le choix même de l'exploitation de ce sujet soit survenu à la suite d'une quotidienne et banale revue de presse n'est pas non plus délirant. Semblant détaché réellement du détail de l'affaire, il se pourrait que Denizot n'ait voulu utiliser simplement que le fond du kidnapping et du road trip, thèmes excitants et prolifiques, pour en modifier et en personnaliser intimement la forme. Il s'approprie ce fait divers à tendance dramatique pour en faire une épopée légère et distancée. Un souffle de perpétuelle légèreté et d'insouciance traverse la narration d'un film plus romancé que documenté. Le choix de l'auteur étant de ne sélectionner qu'une part minime de l'émancipation des jeunes garçons, il délaisse nombre de péripéties qui pourraient nous sembler, à nous spectateurs conscients du fait réel, importantes à introduire au sein du film. Est-ce dommageable ou au contraire intéressant du fait de la pulsion interrogative que ce manque induit à notre imagination ?

 
Le film au caractère sans doute épuré nous parle néanmoins d'un réel fait de société : celui du passage à l'âge adulte et de la question de l'émancipation, avec cet obstacle, ce danger en plus : le devoir de vivre caché, en marge et en lutte contre cette société. Un devoir qui, au départ était un choix. Le regret, la frustration, le désir de tout recommencer teinte finalement ce film de plein d'idéaux et d'espoir. La belle vie, un premier film tout de même novateur au nom d'apparence simpliste mais doté d'une image métaphorique forte et provocatrice : celle de l'ironie. Leur seule vie heureuse n'était finalement qu'illusion lorsque leurs esprits encore jeunes voyaient en leur père leur Dieu absolu, créateur et maître de toutes ces terres parcourues. Pour ces jeunes hommes à présent adultes et à la recherche d'une certaine stabilité, La belle vie est aujourd'hui un rêve et non une réalité.

jeudi 11 avril 2013

"Douze hommes en colère": Un leader et onze suiveurs dans un contexte judiciaire et libertaire

Ce premier film de Sidney Lumet datant de 1957 et tiré de la pièce éponyme de Reginald Rose écrite en 1953, est, je trouve, toujours aussi d'actualité quand il s'agit de défendre un idéal de justice et de tolérance aussi universel qu'intemporel. En plus de sa dimension humaniste très appréciée, j'ai surtout choisi de traiter ce classique du cinéma américain car je pense qu'il illustre assez bien les notions du leadership et des dynamiques de groupes en général, notions qui ont été par ailleurs beaucoup étudiées dans le domaine de la Psychologie de la communication, en particulier cognitive, avec l'aide de l'expérimentation.


Tout au long de ce huis clos, on assiste à un combat effréné de douze hommes tous uniques et entiers, détenant une personnalité, une psychologie toutes aussi différentes et personnelles, intenses et fortes les unes que les autres, qui ne relèvent finalement en rien – et cela est troublant – d'une quelconque forme caricaturale ou manichéenne, mais au contraire de mécanismes comportementaux complexes, dotés d'un réalisme frappant.

Tous portés jurés pour décider du sort d'un adolescent, ces quelques-uns sont-ils couronnés ou prisonniers d'une grande responsabilité. Ils doivent juger du sort du condamné : lui laisser la vie ou lui prodiguer la mort, à l'unanimité. Le sujet du débat est un jeune adolescent d'origine étrangère qui aurait assassiner son père. Plusieurs preuves dont les fameux témoins de la scène sont à l'appui. Mais celles-ci suffisent-elle à confirmer son inculpation ? Les témoins au nombre peu crédible de deux – vieil homme sénile et femme à lunettes entre deux âges – ont-ils eu raison de dire : « Il a tué » ? Sont-ils vraiment légitimes pour appuyer son accusation ? Ne sont-ils pas atteints d'une certaine forme de crédulité ? N'ont-ils pas tenu un discours affirmatif voilé de simples suggestions, de terribles approbations, auxquelles on devrait faire attention en y prêtant réflexion et discussion ?

Au départ, Davis, architecte de quarante ans, est le seul membre du groupe de jurés qui parvient à croire en sa « possible » innocence. « Possible » : mot qui revient souvent comme beaucoup d'autres illustrant le thème du doute qui remplit sagement – au fur et à mesure que Davis persuade les autres – l'âme des personnages et du film lui-même. La manière dont ce personnage représenté par un Henry Fonda charismatique, parvient calmement à convaincre tous les autres, un à un, non pas de l'innocence certaine de ce jeune homme mais d'une autre qui serait humblement envisageable, est juste jubilatoire. Voir ces visages d'hommes au départ si sereins et accomplis se changer en de tristes masques de cire figés et finis, ne peut être que plaisant à regarder. Oui, Davis peut être considéré comme un leader, comme un meneur de groupe, car il réussit à influencer tous les autres, à les faire adhérer à sa pensée, avec réflexion et raison. Ils le suivent. Difficilement, progressivement mais sûrement, jusqu'au dernier juré qui finira par craquer et libérer le fond de ses problèmes personnels et secrets.

Car bien qu'ils proviennent tous de milieux sociaux différents, qu'ils exercent des professions toutes aussi variées, ces hommes sont tous empreints d'aprioris, de préjugés communs. Ils sont tous têtus, obstinés, convaincus qu'ils ont des idées et des opinions alors qu'ils ne sont que des pions ; Tels des chevaux portant des œillères qui avancent sans savoir que derrière, un cocher les tirent et les dirigent, ici le cocher étant leur propre et inconsciente ignorance, et non un Davis qui viendra au contraire les en délivrer. Nous pouvons peut-être illustrer cette observation avec l'expérience de Asch au sein de laquelle ce psychologue s'adonne à l'étude du comportement des individus en situation de groupe. Celui-ci démontrera que dans cette situation, l'individu devient conformiste et influençable par les autres membres du groupe. On pourrait même rajouter qu'il est en quelque sorte bercé d'illusions voire d'un obscurantisme dans lequel il se complairait inconsciemment. Il n'aurait aucune névrose car ne réfléchirait pas, ils pourrait tout à fait être considérés comme l'archétype de la normalité. Même si, plutôt que « normal », le définir comme « normé » serait sans doute plus approprié. Ces onze messieurs bavards et désintéressés du début rêvent d'en finir, de quitter leur triste et fade réalité pour vaquer à leurs loisirs, comme, par exemple, assister à un match de baseball. Ces onze là sont d'abord protégés du doux et chaleureux châle de la conviction, s'opposant clairement au lourd couvercle de l'incertitude, du doute qui pourrait être relatif à la remise en question de ses propres pensées, voire de soi-même. Seulement, je crois que le doute n'est pas une tare, mais au contraire un mode de comportement tout à fait respectable frisant même un certain idéal de comportement humain. Le doute permet de réfléchir et ainsi de trouver des solutions à des situations problématiques. Selon le psychologue américain contemporain Robert Stenberg, le leader serait un créateur, quelqu'un qui aurait l'intelligence d'écouter le reste du groupe, de prendre en compte ses dires et d'observer les éventuels tensions qui puissent s'y trouver pour mieux essayer de les résoudre dans le but de « créer » un nouveau fonctionnement, un système idéal d'interactions et de relations. Ces hommes sont au départ tellement sûrs et semblent être tellement atteints d'une confiance frénétique en des preuves plus ou moins argumentées et convaincantes, qu'ils en deviennent presque fous et hystériques. Davis va douter de leurs propos, les renverser et en créer de nouveaux, auxquels ils vont tous finalement adhérer.

Une ambiance d'anarchie régnera dans cet étroit bureau de discussion, le plafond sera lourd et il pèsera sur des esprits en tension pendant plus de deux longues heures de sueurs. Mais Davis, qui, déjà, au début de la rencontre, va silencieusement observer les bavardages sans conséquences des autres hommes, saura écouter avec attention les raisons inappropriées et éloquentes du jugement des autres, ce qui lui permettra de jouer davantage d'arguments et d'engagement pour finalement contrer leur discours, discours teinté de fougue plus impétueuse que sérieuse, d'un certain je-m'en-foutisme, aussi égocentrique que triste, qui peut tout aussi rendre triste.

Une certaine hiérarchie entre les personnages se créé et l'anarchie s'ordonne. Plus les avis qui votaient « coupable » se convertissent en « non coupable », plus les âmes de chacun s'apaisent et se décomplexifient, s'humanisent.

Le premier homme convaincu par Davis est le plus vieux des hommes, le plus respectueux et sans doute le plus respectable de tous les autres. Après lui, plus Davis réussira à convaincre tous les autres d'embarquer sur son bateau de la raison – cette raison n'étant que celle de la sagesse, du doute et de la réflexion – plus le reste sera influencé et regrettera de rester de plus en plus seul, à nager dans une mer de plus en plus houleuse et vertigineuse. Le dernier des hommes convertis, qui jusqu'à la fin où il craquera s'obstinera à conserver son premier jugement qualifiant l'adolescent de « coupable », arborera un comportement de moins en moins stable, de plus en plus colérique qui le laissera dire des mots ne voulant plus rien dire, trahissant finalement un homme vaincu par sa propre et démesurée fierté. Il sera progressivement marginalisé par ses confrères qui lui tourneront un à un le dos, tous maintenant rassemblés autour de l'illuminé Davis. Davis, qui ne semble montrer aucune haine, juste de la philanthropie et de l'amour, sera aussi celui qui finira par comprendre ce dernier et à le consoler. Car Davis est un leader de cœur. Plus qu'un simple rhéteur ou un beau parleur, on pourrait dire qu'il s'agit d'un leader de fait, et non de droit, et qui s'inscrirait dans un style de leadership de type participatif. Car il devient leader sans l'avoir chercher ni voulu, juste en ayant naturellement partagé des convictions qui prônent un certain idéal de vie avec les autres jurés, tout en ayant adopté un discours aussi logique que charismatique. On comprendra finalement que Davis n'est rien d'autre qu'un citoyen qui revendique ses propres droits ainsi que ceux des autres ; et que si je le considère ici comme un leader au sein de ce groupe de jurés c'est sans doute parce qu'il est peut être plus impliqué que les autres dans cet esprit de recherche d'un certain idéal de système sociétal. Et que les autres ne constitueraient que - malheureusement bien qu'inévitablement - la grande lignée de moutons de Panurge que nous sommes, avons été, et seront tous plus ou moins, dans nos sociétés civilisées, d'hier, d'aujourd'hui et de demain.

(Article rédigé dans le cadre du cours Psychologie de la communication)

 


vendredi 15 février 2013

"Gangster Squad" : Un casting pretigieux pour une histoire déjà-vue!

Ryan Gosling est magnifique. Sean Penn, bien qu'il en fasse un peu trop, est charismatique. Emma Stone, esthétique. Josh Brolin qui se reconnaît comme protagoniste principal en toute fin de film, se montre plutôt effacé, du moins, comme les autres.
 
Des détectives, des flics, des gangsters, une fille. Des mains en l'air, des coups de feu sanglants, une histoire d'amour qui ne vaut pas beaucoup plus le détour. De l'humour aussi, on sourit.
 
Dans ce Los Angeles des années 1960, toute l'action est portée sur la poursuite du gang de Mickey Cohen (Sean Penn) par la brigade de Jerry Wooters (Ryan Gosling). Une course stylisée, trop même. Du graphisme aux effets de bande dessinée. Original peut-être, mais n'a t-on pas déjà classé dans nos films cultes Les Affranchis, Scarface et d'autres grands succès toujours avec des bonnes gueules de malfrats "en veux-tu? en voilà" ?
 
Mais Cohen, tout comme sa carrière palpitante au sein de la Yiddish Connection a nettement moins été traité au cinéma comparé à un Al Capone surreprésenté. Le réalisateur du léger Bienvenue à Zombieland (Ruben Fleischer) se devait de saisir cette occasion inestimable.
 
Non mais franchement! Il est difficile de ne pas remarquer combien le succès commercial semble être plus légitime pour le réalisateur que l'humble fierté d'avoir créer un film à lui, qu'il aurait créer, "procréer". Bref, de l'action oui, mais du fond, non.


 

dimanche 27 janvier 2013

"Django Unchained" : difficile de l'exploiter

"My name is Django.", ainsi sera la réponse de cet esclave de veille de Sécession incarné par un Jamie Foxx tout en forme à la question "What’s your name?" posée par le frauduleux Dr King Schültz minutieusement représenté par Christophe Waltz. Ces deux hommes que rien ne semble lier de prime abord seront pourtant deux fidèles acolytes qui surmonteront nombre de péripéties ensemble. Schültz qui est en fait un malin chasseur de prime a besoin de l’aide de Django pour retrouver ceux qu’il doit tuer, en échange il lui rend sa liberté. Bon deal pour un esclave qui va d’ailleurs en profiter pour libérer sa bien-aimée, Broomhilda, Brünhild, comme on l’entendra. Ce dernier sera vu comme un associé, un « noir d’exception » diront les autres blancs. Ceux-ci seront souvent très étonnés, parfois amusés de le voir se trimbaler en costume de valet jusqu’au moment où le serviteur personnel de Calvin J. Candie, fidèle esclavagiste qui était prêt à affairer avec eux, découvrira le pot aux roses en devinant que les deux hommes n’étaient pas venus pour leurs « Hercunègres » mais pour la femme meurtrie de Django. A partir de ce moment-là on reconnait la patte sanglante et cynique de Quentin Tarantino. Des explosions de sang un peu partout, des coups de feu, des cris. Mais aussi des rires, des dialogues empreints d’humour et de dérision et enfin une bande originale authentique ; Ce film étant un remake du western spaghetti Django de 1966 dont la musique réalisée par le grand Ennio Morricone a été reprise. Tourné entièrement dans des paysages naturels et réels, seules les maintes scènes de violence seront composées à partir d’images de synthèse. 




Ce film traitant du sujet grave de l’esclavagisme va le transformer en un sujet touchant et humaniste à la fois. Tarantino y insère comme dans beaucoup de ses films une histoire d’amour un peu facile à la manière de l’industrie hollywoodienne mais bien que ce thème ait beau été traité à maintes reprises au cinéma, jamais on a pu voir un tel retournement de situation engagé par une mécanique de scénario qui parait pourtant assez simple avec des méchants, des gentils et de l'action. Un esclave noir révolté qui va se venger de ses maîtres blancs en les massacrant tous. Exception faite, il ne tuera pas ce faux docteur allemand qui deviendra son ami. Mais c’est cette simplicité, cette clarté évidente dans le scénario qu'il fallait néanmoins trouver qui va permettre à ce film de rester dans nos mémoires encore un bon bout de temps à la déception d’un Spike Lee choqué par la blaxploitation accrue et inexpliquée de Tarantino pourtant d'origine européenne.

mardi 11 décembre 2012

"Mauvaise fille" : un souffle d'air dur

Louise (Izia Higelin) naît avec des parents déjà "mauvais". Le père, Georges (Bob Geldof), est chanteur de rock (oh la la, que c’est mauvais !) et la mère, Alice (Carole Bouquet), est hippie à ses heures perdues. Lorsqu’on a 10 ans, des parents "normaux" iraient nous chercher à la sortie de l’école, nous auraient attrapé tendrement par l’épaule et nous auraient demandé attendris : "Comment s’est passé ta journée ?". Les siens ne sont pas là, ils sont ailleurs, occupés à autre chose. Entre le père qui voyage pour ses tournées et la mère qui "voyage" au bout d’une seringue, la petite apprend vite à se démerder toute seule. 

La "pauvre" fille grandit assez bien malgré tout. Elle a 20 ans maintenant – et toutes ses dents. Elle a un petit ami du nom de Pablo (Arthur Dupont) et ils forment un couple heureux et joli. Ils s’aiment, elle tombe enceinte de lui. Mais sa mère tombe malade (cancer du sein) au moment où elle s’apprêtait à lui annoncer la nouvelle, comme de bien entendu. L’état s’aggrave. Ah !… un élan d’espoir! Et puis, non, ça retombe. Le ventre est déjà bien rond, elle lui annonce sur son lit de mort. 


Film où l’on doit s’émouvoir, s’attrister, pleurer. Ou plutôt film où l’on "voit" s’émouvoir, s’attrister, chialer Louise quand elle n'éclate pas de rire pour deux sous. Une série de gros plans sur une figure torturée par des grimaces, des émotions presque surjouées. Combien d’oignons a-t-elle pu tranché avant de jouer toutes ces scènes malheureuses? 

Pour son premier film, Patrick Mille essaye d’adapter le roman de sa compagne Justine Levy écrit trois ans auparavant ; un premier film dans lequel des chanteurs jouent aux acteurs, une couleur aseptisée, une histoire vide d’innovation se dégagent et où un scénario qui, bien qu’il soit réalisé à deux mains, reste fragile de contenu et de sens, se battant cruellement contre des blancs sonores comme visuels omniprésents.

Non, ce long-métrage ne m’a pas transporté. Si je devais juste décerner le prix de la plus "mauvaise fille", ce serait à Carole car, pour moi, elle a été l’actrice principale de ce film. Elle mériterait d’incarner, dans ce cas, au moins ce titre. Si je le pouvais, je lui offrirai même un Bouquet de félicitations.

lundi 19 novembre 2012

"Après Mai" : après beaucoup de choses

Gilles (Clément Métayer), un lycéen un peu artiste qui fera de sa vie une peinture. Christine (Lola Creton), une jeune fille, perdue dans des allocutions politisées. Des personnages entourés, soutenus, dans leurs aspirations. Un monde de jeunes fermés aux parents. Une fête sous les bombes. Un amour incompris et qu’on laisse filer. Réflexion, mélancolie, ambition ? Une belle histoire au fond.

Des dialogues monocordes, sans vie profonde, s’émanaient du script comme crachées par des bouches trop jeunes, inexpérimentées, juste contentes d’être vues pour la première fois au grand écran et d’en ramasser quelques dollars. Seules les voix de Gilles et Christine, et encore heureux vu qu’ils sont les deux personnages principaux, pouvaient le faire. Les répliques, toutes prédécoupées et prêtes à l’emploi ne pouvaient être en aucun cas de simples phrases génies sorties tout droit de l’une des cervelles des comédiens. Aucune impro n’a pu être détectée, ce qui est regrettable pour une époque où l’on doit être spontané, créatif ou ambitieux, je crois.
 

La courbure d’un sein trop petit, des vergetures sur un autre plus gros, des poils trop abondants sur une jambe masculine, des teints sans fard, cette dimension esthétique naturelle, oui, je l’ai appréciée. Voilà, ce film fait part de beaucoup de sensibilité esthétique, la vue se fait le plaisir d’être le sens le plus sollicité chez le spectateur. Alors quand il s’agit d’exposer le jeu des acteurs, tous pourtant très différents, très beaux dans leurs différences et leurs aspirations, c’est très difficile de donner à l’ouïe ce dont elle pourrait avoir besoin pour être comblée.

Sur fond de sons rock psychédéliques et de cris "révolutionnaires", des adolescents se prélassent et luttent en fumant de l’herbe dans un peu plus d’herbe calés autour d’une guitare qui balance toujours autant de musique folk, pop et j’en passe. De l’amour, des bisous dans le cou, des regards, des départs. La mort, et puis demain ? Pensons autrement, arrêtons. Il y a déjà eu Péril Jeune du grand Klapisch, plus drôle et plus détaché, et surtout plus émouvant, avec des acteurs qui, grâce à ce dernier, sont devenus célèbres. On verra bien pour ces acteurs-ci.

Ce film, va, en définitive, apprendre aux collégiens nostalgiques et en soif de découvertes en tout genre comment s’est passé l’époque. "Ah, oui c’était bien, ça c’était ça la vraie époque. Regarde, ils luttaient pour quelque chose ! Pff, j’aurais tellement aimé vivre à cette époque, en plus la vie était peu chère."

Un film assez beau à regarder mais sans la voix des acteurs si possible, juste sur fond de musique qui flotte comme il faut. Film destiné aux ados de moins de 16 ans. Plus, s’abstenir. Sinon, si vous êtes des vieux de l’époque et que vous souhaitez amener votre fille, vous aurez l’occasion de comparer votre vie avec celle qu’ils veulent nous faire montrer. Et puis, Mr Assayas ? Pourquoi, un énième film sur les années 1970 et cette « révolution culturelle » ? N'y en a t-il pas eu déjà assez? Voilà, c’est tout.

dimanche 23 septembre 2012

"The We and The I" : une (r)évolution


Ici, le talent de Gondry se manifeste clairement par le fait qu'il n'utilise qu'un simple bus en guise de décor avec pour arrière plan les rues "charmantes" du Bronx. C'est admirable de voir que l'on peut se débrouiller à faire un bon film avec du fond, un aspect vraiment réaliste (notamment en remarquant les personnages qui sont "vrais", sans maquillage, sans artifices, sans les mensurations qu'on nous impose à longueur de temps dans les magazines, juste naturels) sans sortir un budget faramineux de sa poche. John Carter, lui qui fut produit par les studios Disney, avec 300 millions de budget s'est annoncé comme un flop, comme un véritable échec commercial.

Chez Gondry, le décor, similaire du début à la fin, n'empêche en rien une évolution remarquable de l'histoire ; les "vrais" acteurs, on peut le dire, ce sont les acteurs, "physiques", j'entend bien. Cette affirmation a l'air évidente dite comme cela mais il s'agit de tout l'inverse dans beaucoup de films qui ont beaucoup de succès auprès de la population "cinéfile", notamment auprès des jeunes, il s'agit de la plupart des blockbusters, ce qui est bien dommage (non pas pour le fait qu'ils soient quasiment nourris uniquement d'effets spéciaux mais pour les conséquences hypercommerciales engendrées par ce type de film). Les gens ont tendance à être attirés par des films interprétés pas des stars mondiales, souvent américaines, dans lequel sexe et baston font bon ménage, et si possible dans un cadre spatio-temporel irréaliste, voire merveilleux. Cela les distrait, les font voyager le temps d'une heure et demi. Et après ils retombent cruellement dans la réalité.
 
Chez Gondry, les acteurs ne sont pas connus, cela se voit qu'ils ont tous un âge "normal" pour être au lycée (15-17 ans) ce qui est parfois inconcevable dans certains films où les lycéens sont mis en scène dans des ébats sexuels souvent mal considérés pour leur âge. Pour cela, on demande à des personnages plus âgés (d'une vingtaine d'années), qui ont dit depuis longtemps "bye-bye" à l'acné et qui ne savent même plus quand ils ont copuler pour la première fois, d'incarner ce type de rôle. Et pourtant, les personnages aussi jeunes que ceux qu'ils représentent sont tout simplement "vrais", je le répète, ils sont même parfois plus talentueux de par ce naturel probant que certaines stars télévisuelles qui n'ont qu'un seul but, celui de déployer leur narcissisme derrière un personnage manichéen. Les personnages de The We and The I ne sont pas soit "gentils" soit "méchants", ils sont tous différents les uns des autres et chaque personnage a lui même un caractère, une sensibilité qui évolue, change tout au long du film. Plus le nombre de passagers diminue, plus l'on se porte sur la personnalité réelle des derniers. Ils sont comme révélés lorsqu'ils ont quitté leur bande derrière laquelle ils se cachaient, une bande qui s'unit pour construire une carapace superficiellement violente et méprisante à l'égard des autres. Le film se divise d'ailleurs en ces trois parties volontairement mises en avant par le réalisateur qui réussit humblement à les dissimuler dans l'étroit décor du film : "les tyrans", "le chaos", "le je".

Même si on peut trouver incroyablement long le trajet entreprit par le bus, on ne se lasse pas une seconde. On se laisse porter par la camera de Gondry qui réussit à passer de tête en tête, de groupe en groupe, avec une facilité, un naturel déconcertant, puisque même s'ils sont disposés en groupes, ces individus interagissent directement ou indirectement ensemble. Les courts et fréquents passages qui mettent en scène des vidéos amateurs soulignant le discours des adolescents, des vidéos montrant ces personnages dans des situations déconcertantes voire navrantes, servent même de transition, entre les parties de ce film.

Un défaut? Parfois la vraie vie peut être ennuyeuse à vivre mais surtout à regarder quand on se place au niveau de sa continuité. C'est peut-être ce qu'on peut reprocher à ce film, le fait d'être "trop" réel, comme si que l'on était un fantôme, un être invisible et que l'on regardait cette longue scène d'une heure et quarante trois minutes sans jamais fermer les yeux. La plupart des films, il faut le dire, sont inscrits dans un cadre temporel très long, parfois pouvant atteindre des dizaines d'années, comme si leurs réalisateurs voulaient axer le film sur un seul sujet et balayer tous les autres, sur l'action la plus commerciale, et supprimer tous les autres actions qui auraient pu figurer dans le film. Donc, est-ce vraiment un défaut?